"En France, l’AMP est très réglementée", explique le Dr Beauvillard, spécialiste en biologie de la reproduction. "C’est pourquoi nous disposons d’une organisation spécifique réunissant des compétences cliniques, biologiques et techniques." Ces conditions sont propices à l’innovation. Le laboratoire du centre s’intègre aux services de génétique, de reproduction, et de gynécologie obstétrique.
L’incubateur de haute technologie a rejoint les microscopes, hottes à flux laminaires et autres équipements du laboratoire. Pour y accéder, des précautions strictes s’imposent afin d’éviter les contaminations par des composés organiques volatils : pas de parfum, deux changements de tenue, lavage des mains obligatoire, mais sans gel hydroalcoolique. Blouse, calotte, masques et surchaussures sont requis. Nous entrons ainsi, appareil photo à la main, dans l’atmosphère propre et tamisée du laboratoire.
Laboratoire d’incubation du CHU de Brest. Crédit : Technopôle Brest-Iroise (photo : Bastien Pichon) |
Depuis quatre mois, l’incubateur fonctionne en routine. Une caméra infrarouge haute résolution photographie les embryons en pleine croissance toutes les dix minutes, selon différents plans focaux. Le résultat est un time-lapse compilant 6 à 7 jours d’images, qui sert de données d’entrée pour le module d’IA.
Time-lapse d’un embryon. Crédit : Technopôle Brest-Iroise (photo : Bastien Pichon) |
"L’incubateur time-lapse présente le formidable avantage de ne plus avoir à sortir les embryons de leur environnement contrôlé pour les observer au microscope", explique le Dr Beauvillard. À l’aide d’une molette, il peut avancer la séquence vidéo, revenir en arrière, observer l’évolution de l’embryon sous tous les angles et à tout moment.
L’IA en fait autant. Entraînée par son concepteur suédois sur une base de données de 180 000 échantillons, elle analyse un ensemble de paramètres morphocinétiques.
L’incubateur Haute Technologie du CHU de Brest. Crédit : Technopôle Brest-Iroise (photo : Bastien Pichon) |
D’une même fécondation in vitro peuvent résulter plusieurs embryons. "Nous savons distinguer l’embryon qui a le plus de chances de poursuivre sa croissance de celui qui ne pourra pas aller plus loin." Mais qu’en est-il des autres ? C’est ce que le Dr Beauvillard appelle la "zone grise", où l’IA intervient en donnant un score et en classant les embryons.
"Nous restons très prudents", souligne le Dr Beauvillard. Les résultats de l’IA peuvent être biaisés, par exemple en raison de la mauvaise qualité d’une photo. De plus, l’IA ne prend pas en compte les critères cliniques du couple dont sont issus les embryons. Le jugement du spécialiste reste donc essentiel.
Les embryons sont transférés un à la fois chez la patiente. Cette stratégie nécessite d’optimiser la sélection de l’embryon à transférer, et l’IA peut aider dans ce processus. Le centre AMP du CHU de Brest réalise 600 cycles de FIV et 700 transferts d’embryons par an, "une bonne sélection permet d’éviter des interventions inutiles et d’augmenter les chances de grossesse", résume le Dr Beauvillard.
25 % des centres AMP dans le monde sont équipés d’incubateurs time-lapse, mais la nouveauté réside dans l’intégration de l’IA. C’est un investissement important pour le centre de Brest (150 000 € contre 40 000 € pour un incubateur traditionnel) et le second en Bretagne. L’appareil peut accueillir simultanément les embryons de 8 couples, avec jusqu’à 16 embryons par couple.
Cellule d’incubation. Crédit : Technopôle Brest-Iroise (photo : Bastien Pichon) |
Le CHU de Brest est également un lieu de formation des médecins de demain. Ancien étudiant à Brest, le Dr Beauvillard souligne l’aspect pédagogique du time-lapse : "Une visualisation 3D permet une meilleure compréhension des étapes clés de la croissance embryonnaire."
Dr Beauvillard, responsable du centre AMP au CHU de Brest. Crédit : Technopôle Brest-Iroise (photo : Bastien Pichon) |